R2-D2 et le cinématographe

From Georgeforever

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Si R2-D2 est (soi-disant) le personnage préféré de George Lucas, c'est sans doute parce qu'il se plie merveilleusement aux volontés de son Créateur... Non content de savoir tout faire et d'obéir sans jamais dire un mot, le petit robot est à la fois un ami fidèle et discret et un merveilleux soutien technique...


R2-D2 scénariste
"Il a sauvé nos vies et le vaisseau."

Notre ami R2 est souvent impliqué de manière directe dans le déroulement du scénario et en oriente l'issue. Dès la Menace Fantôme, en réparant le vaisseau d'Amidala, il permet de lancer l'histoire, car c'est cette scène qui va ensuite amener Qui-Gon à rencontrer Anakin chez le seul vendeur de motivateur d'hyperpropulsion de Tatooine. On peut dire que R2 maîtrise le destin... Celui de Qui-Gon, ou celui de Padmé, dont il sauve la vie dans l'Attaque des Clones en empêchant le métal en fusion de la noyer dans un creuset. Enfin, il motive la fin de l'histoire en apportant le message d'Obi-Wan à Anakin pleurant sa mère décédée. Dans Un nouvel espoir, R2 est carrément au centre de l'intrigue, car il porte en lui le "calice" du film, le moteur scénaristique: les plans de l'Etoile Noire que se disputent l'Empire et la Rébellion et dont dépend le destin de la Galaxie. C'est lui qui "décide" de sauver Luke, Han et Leia du compacteur à ordures, et précédemment, c'est lui qui a amené Luke à partir à la recherche d'Obi-Wan... Nous y reviendrons. Par la suite, le restant de l'histoire étant lancé, R2 est moins important. On peut dire, en quelque sorte, que son rôle se termine lorsqu'une porte se ferme devant lui dans l'Empire contre-attaque, et le sépare ainsi de l'intrigue qui va désormais dominer: la lutte contre Luke et Anakin. R2 quitte la scène, il n'est plus moteur scénaristique à partir de ce moment.


R2-D2 cameraman
"Enfin ! Où étais-tu passé ?"

Le petit oeil clignotant du droïde est celui par lequel le spectateur voit l'ensemble de l'histoire, ainsi que Lucas l'affirme: les droïdes sont les hérauts de sa saga. Depuis la fameuse scène-clé du vaisseau d'Amidala où, en apparaissant, il lance la vraie intrigue, jusqu'à la parade finale des Ewoks, R2 « filme » les grandes lignes de la confrontation entre le Bien et le Mal. Bien qu'il ne soit qu'un pion, un élément secondaire, il est présent partout et aucune scène majeure ne lui échappe: la course de pods, la bataille de Naboo, la romance entre Anakin et Padmé, la capture de la Princesse Leia, la décision de Luke de devenir Jedi... jusqu'à la mort de Jabba. Par la suite, C3PO prendra une place particulière dans ce duo, à cause des Ewoks. Mais toutes ces images engrangées vont directement dans la cervelle de R2, qui les restituera selon la volonté supérieure... du réalisateur.


R2-D2 monteur
"Au secours Obi-Wan Kenobi. Vous êtes mon seul espoir."

Luke s'acharne sur ce qu'il croit être une crasse de R2, qui revient du feu. Il s'obstine... Et soudain, apparaît l'image d'une (belle) princesse, implorant l'aide d'un homme que Luke ne connaît pas, ou presque. L'image repasse en boucle de nombreuses fois. Et il s'avère vite évident qu'une partie du message est coupée. Et que ce personnage, ces paroles sont intrigantes au plus haut point et que le besoin d'en savoir davantage taraude vite le jeune fermier. En vain: R2-D2 refuse obstinément de passer le message et force Luke à se renseigner sur cet Obi-Wan... R2-D2 est-il l'inventeur du teaser intergalactique ? Toujours est-il qu'en matière cinématographique, R2-D2, non content d'écrire les scénarios et de filmer les scènes des films de Lucas, sait également provoquer des réponses émotionnelles chez un spectateur grâce au montage. Lorsque Luke et Obi-Wan découvrent la version entière du message, se produit le même effet que la vision d'un bon film entier procure par rapport à sa bande-annonce. Les perspectives s'ouvrent et la réinsertion de l'extrait dans le contexte de la totalité de l'oeuvre produit du sens. R2 est un bon assistant monteur, il a bien retenu les leçons de Master George.


R2-D2 projectionniste
"Mes respects, votre Excellence"

Une fois la banque de données de l'astromech remplie d'images, il ne reste plus qu'à la restituer aux différents spectateurs. La diffusion du message de Leia à Luke et Ben est un film dans le film. Il appelle des réactions, des suites. Mais on peut aussi retenir la projection du message de Luke à Jabba. Luke propose au gangster de négocier et lui offre les droïdes. Jabba réagit en vrai spectacteur, avachi avec son bol de pop-corns, écarquillant les yeux lorsque le « film » commence. Et lorsqu'il se termine, Jabba semble s'adresser directement à Luke: il s'est projeté dans le film. Enfin, dans la Menace Fantôme, R2 projette un Palais en 3D tandis qu'Amidala expose son plan. Il y a un peu du documentaire dans cette scène, où un commentaire illustre et explique une image. Elle trouve son équivalent dans les briefings précédant les assauts des deux Etoiles de la Mort.


Tout cela peut paraître anecdotique, mais ce qui est frappant, c'est la réunion de ces différents « talents ». R2 est apparenté à une équipe technique cinématographique telle que la conçoit George Lucas: aux ordres du réalisateur, obéissant sans jamais rechigner, exécutant à la perfection les ordres reçus, tel un ordinateur qui aurait une conscience esthétique. Peut-être même symbolise-t-il, par métonymie, le réalisateur lui-même. Art et technique: c'est le thème majeur du cinéma de Lucas, depuis quarante ans, à savoir l'art en tant que technique, le fait que le cinéma se crée avec des machines: caméra, éclairages, table de mixage et de montage...


C3PO ou l'art d'être spectateur
"Je ne sais pas ce qui se passe, mais je suis sûr que c'est de ta faute !"

Indissociable de R2-D2, C-3PO, lui, pourrait bien être l'image du spectateur de cinéma... Vu par un réalisateur tel que Lucas. Irritable, geignant sans cesse, se plaignant, critiquant sans arrêt, il n'est jamais content de ce que fait son copain mécano. Il a également tendance à ramener l'action à lui: "Je suis là en mille morceaux, et Monsieur a des idées de grandeur !" C'est probablement en tant que spectateur de la Menace Fantôme que 3PO ose dire ce qu'il pense de Jar-Jar, cette "étrange créature". Est-ce en tant que spectateur qu'il en prend plein la poire dans la fonderie de l'Attaque des Clones ? Et puis il illustre parfaitement les hypocrites revirements du public, comme celui de 1999 où George Lucas passa d'un seul coup de Dieu vivant à vulgaire businessman assoiffé de dollars: "Mais presse-toi, espèce d'empoté !" Immédiatement après: "Je n'ai jamais douté de toi une seule seconde, c'est formidable !" A vrai dire, en tant que second héraut de la saga, ce rôle n'est pas vraiment suprenant. C3PO ne prend à peu près jamais vraiment part à l'action. Il n'a pas d'oreilles qui lui permettraient d'écouter un autre point de vue que le sien, mais il a une bouche qui ne se ferme jamais (la bouche du critique); pas plus que ses yeux, globules lumineux qui semblent capter tout ce qui se passe là où le petit oeil unique de R2 ne prend que ce que nécessite le film. Tout ! En effet, lorsque le droïde de protocole raconte toute l'histoire devant un auditoire d'Ewoks passionnés, captivés, il n'oublie pas les scènes où il n'était pas présent lui-même, comme la bataille de Hoth. On n'est pas loin de penser au public de fans qui connaît mieux le film que celui qui l'a conçu. Quelle étrange relation d'amour-haine unit l'auteur et son public ! Nos deux robots sont finalement inséparables. C3PO affirme "qu'il s'ennuierait" sans son metteur en scène, bref sans le cinéma. C'est bien vrai... Mais R2, de son côté, montre bien que sans son public, aussi difficile à satisfaire, aussi plaintif, aussi insupportable soit-il... le cinéaste ne serait rien.

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